A contretemps

C'est une sensation qui m'anime. Je vis à contretemps de mes émotions. Je le subis. Malgré tout, la volonté d'agir, toujours plus grande au fil des jours, au fil des heures. Des envies mêlées de frustrations. Lui donner les gages de ce que je suis. Le poids des mots que je lui adresse. Le sens de mes intentions. Je ne vacille pas, je tergiverse sur des détails. Avec un seul objectif, rester moi. Quand il s'agit d'elle, mes envies sont fortes, nombreuses, permanentes. Envie de sa main dans la mienne, envie d'écouter sa voix, de soutenir son regard. Envie de lui faire découvrir ce que je suis, envie qu'elle sente le plaisir d'être avec elle. Pour l'instant, il m'est impossible d'être impatient. Alors même que je ressens que d'abréger mon évolution pourrait paraître comme une preuve de dévouement. Mais voilà justement ce que je ne veux plus. Agir contre moi, contre ce que je suis. Posément, j'ai établi une feuille de route, pour ainsi dire. Partir comme il le faut, avec dignité, avec respect, avec conviction. Je sais que je ne pourrais pas me permettre le moindre moment de faiblesse. Je ressens aujourd'hui qu'il est dur pour moi de mettre en place tout cela dans ma tête. De vivre ma vie d'avant avec mes idées nouvelles. Mais c'est ainsi que je sais devoir agir. Parce que c'est moi, parce que c'est ma conception de vie, de l'homme que je suis. Les difficultés que je ressens dans mon esprit m'invitent à modifier ma feuille de route, elles m'obligent à revoir mes volontés en fonction de mes capacités. Je voulais me donner du temps mais je dois reconnaître que je ne pourrais pas supporter cette situation autant que je l'aurais cru. Mais partir aujourd'hui, ce serait inconcevable, ce ne serait pas moi, et ce ne serait pas salutaire.

Cette volonté peut sembler contradictoire aux regards de mes envies. Elle peut paraître stupide dans la mesure où je ressens son impatience, elle, d'être plus heureuse, d'être aimée pour ce qu'elle est vraiment. Je lui ai promis l'honnêteté, la sincérité. C'est la seule promesse implicite que je lui ai faite. Etre ce que je suis au plus sincère, au plus honnête, m'impose dès lors de faire les choses comme je le souhaite malgré le sentiment d'être à contretemps de ma propre histoire. Distinguer l'envie d'elle de l'envie de moi. Je suis assez fier d'y parvenir sans mal. Et pour tout dire, je pense que le fait de savoir ce qui me rend heureux ne peut que me permettre d'être pleinement sincère vis-à-vis d'elle. Car je la veux, elle. Elle que je trouve si parfaitement imparfaite. Je ne veux pas qu'elle croit en ce que je dis, je veux qu'elle sache ce que je lui adresse. Que, parce que c'est moi, totalement, il n'existe plus de sous-entendu, plus de mystère. Que ma transparence est totale. Je la veux, le jour, la nuit, avec ce qui la trahit et ce qui la sublime. Elle. Toute entière. Avec ses failles, ses blessures, ses joies, ses convictions, ses assurances. Tout ce qu'elle est. Passionnée et passionnante. Partir à la découverte de ses intimités, celles que personne n'a voulu explorer, celles qu'elle ne veut pas montrer. Nous avions eu une discussion sur le moyen de cacher les blessures. A chacun son moyen. L'exubérance, l'humour, la force de caractère... Je suis ainsi, comme beaucoup, comme tous peut-être. L'humour pour détourner l'attention. Pour ne pas tomber. L'humour comme diversion de ce que je suis. Je sais ce que c'est de vivre ainsi, de se protéger, de se cacher, d'être angoissé par le jugement des autres. Peut-être est-ce la raison pour laquelle je cherche à connaître ce qui se cache sous les apparences. Parce que ce qui n'est pas révélé est bien souvent le meilleur.

Je pense beaucoup à elle. A mes envies. Je revois ses cheveux, ses yeux, sa peau. Son sourire. Son regard. Ses attitudes, sa démarche, son élégance. Son naturel. Sa main, ses lèvres. Sa main dans la mienne. La découverte. Le désir d'en savoir plus. Ressentir le potentiel. Le choc des émotions. Penser à elle un week-end, sur le vieilles rues pavées, en contemplant un lieu que j'aimerais lui faire découvrir un jour. L'ivresse de croire qu'elle pourrait m'y accompagner. Forger quelque chose, ou profiter d'un feu de paille. Peu importe. Il ne s'agit pas d'engagement sur l'avenir. Il s'agit d'envie, de découverte. Nourrir ces envies. Transmettre ce qu'elle provoque en moi. Qu'elle se sente bien. Comme je me sens auprès d'elle. Etre à contretemps, cette fois, de ceux qu'elle a connu, à qui elle s'est donnée, qui finalement l'ont fait souffrir. A contretemps de ses espoirs enfuis, déçus, laminés par la médiocrité et l'égoïsme. La liste de mes envies est longue quand il s'agit d'elle. C'est une déclaration. Une déclaration d'intentions, en quelque sorte. Sans autre garantie que mon envie, ma sincérité, l'idée de ne pas être un autre que celui que je suis. Ne plus me travestir. C'est ainsi la meilleur preuve de sincérité que je lui dois. Etre moi. Qu'elle me sache pleinement moi pour qu'elle ressente mes envies d'elle pleinement. Le temps, je ne l'ai pas encore. Je ne bâclerai pas ce moment. Même si je sais que je la conduis à me repousser, pour l'instant. Elle ne veut plus rêver pour rien, croire au vide, souffrir des autres. Je le sais tellement... Et si je lui adresse mes mots, mes pensées et mes envies, c'est que j'ai pleinement conscience de ça. J'ai conscience d'être à contretemps. Mais je n'en m'excuse pas. Je ne m'excuserai plus d'être ce que je suis. Je garde l'espoir qu'elle me lise comme je suis. Qu'elle devine ma transparence. Qu'elle ressente ce que je suis, ce qu'elle est pour moi. Et que, parce que je suis moi, l'idée de la faire souffrir est insupportable, inenvisageable. Je suis encore à contretemps... Mais avec l'idée de marcher dans ses pas.

Retour à l'accueil