Sensation nouvelle

Je la regarde. Magnifique. Sublime. Les yeux dans les yeux. Un sourire. Ma frustration. Jusqu'à ce que les portes de l'ascenseur ne se ferment. Jusqu'au dernier moment, la tentation fut grande de passer ma main pour bloquer le processus, m'avancer vers elle, l'étreindre une fois de plus. Dans le hall. L'hésitation, encore. Ouvrir la porte. Ou la rejoindre. Il est tard. Très tard. Trop tard. Ce qui me reste de raison me fait quitter les lieux. Contraint, je renonce à prolonger le moment. Avec cette idée qu'il n'en existera peut-être jamais d'autre. Parce que c'est elle. Parce que c'est moi. Parce que l'envie ressentie est déraisonnable, instinctive. Parce que, elle comme moi, nous n'avons pas pu résister à nos désirs, renonçant en quelque sorte à une conduite plus sage. Les images se bousculent. Sa voix, ses yeux, sa peau, sa sueur. Son plaisir. L'impression que je ne me suis jamais senti autant en phase avec une femme, naturellement, devinant ses envies sans qu'elle le suggère, la comblant sans contrôle. Plusieurs heures ensemble, passées à une vitesse folle. Du premier au dernier regard. J'ai tout aimé de cette soirée. A part la fin. A part la contrainte de ne pas pouvoir poursuivre encore ces heures, à jouir, à étreindre, à embrasser, à câliner. Comme elle et moi semblions le vouloir.

Pour la première fois, j'ai été l'initiateur d'une rencontre. Pour la première fois, j'ai eu envie de connaître, de découvrir une femme. Une sorte d'instinct poussant ma curiosité. Je me revois encore maudire la circulation, qui a provoqué mon retard, moi qui suis pourtant prévoyant. La peur qu'elle se vexe, qu'elle n'attende pas. Ma joie, ensuite, de la découvrir. L'envie, tout de suite. Presque immédiate. Interdite aussi. Je ne correspond en rien, à priori, à l'homme qu'elle souhaite. Taire l'envie. Rien de difficile en fait, car il est naturel pour moi d'être à l'aise face à elle. Sans être timide, je ne suis pas un homme dont le charisme impose la présence. Je fais plutôt partie des observateurs. Apprendre les gestes, les attitudes. Mais pas ce soir. Je me sens bien, dès les premiers instants. Je ne joue pas de jeu, je partage ce moment agréable et sympathique en sa présence. Impression partagée. Je ne contrôle pas mon bien-être en sa présence. Je dis ce que je suis, sans filtre. J'ai la sensation de ne pas avoir besoin de me préserver face à cette femme que je ne connais pourtant pas. Je la découvre. Charmeuse, élégante, sensuelle. Une vraie belle soirée, de celles qui rendent heureux. L'heure tourne sans que je ne m'en rende vraiment compte. Je sais qu'elle peut deviner dans mes yeux mon désir d'elle, quand je soutiens son regard. J'essaie vainement de ne pas me trahir.

Puis finalement, le laisser aller. Je résiste à sa main effleurant ma cuisse, à ses lèvres frôlant les miennes. J'éprouve une affection profonde, presque une tendresse naturelle pour elle, et j'essaie de me garder du risque de la décevoir. Jusqu'à ce que le fil soit rompu. Plus aucun garde-fou. Plus rien n'est raisonnable. Nous abandonnons nos réserves et nos craintes. L'envie est trop forte. Je ne peux plus m'en détacher. Sa bouche, son corps... J'ai envie d'elle, je ne lui cache rien. L'excitation, la sueur, sa peau, son corps, ses orgasmes. Tout en elle est sublime. Je n'ai aucune idée du temps que nous avons passé ainsi, baisant, jouissant, embrassant, nous comblant mutuellement. Je sais juste que, comme toute envie si forte, c'était bien trop peu. La volonté de la faire jouir jusqu'à l'épuisement. Qu'elle ressente la démesure de mon envie. Qu'elle ressente le désir qu'elle suscite. Le plus naturellement du monde, nous basculons de câlins tendres à l'orgasme. Mon envie d'elle ne se tarit pas. Je n'ai jamais aimé le terme "faire l'amour". Je ne l'emploie pas. Mais au cours de ces moments fusionnels, durant lesquels nos corps ne se déliaient pas, j'ai la sensation qu'on était peut-être pas loin de ça. Jamais je n'ai ressenti telle intensité dans mon désir. Cette sensation que la tête décroche, que le coeur s'emballe. Ce déchirement de devoir partir alors qu'il y a tant de choses à vivre encore. Avec l'envie d'elle, encore. L'envie de la revoir, bien sûr. Même si je ne sais pas si j'en aurais la chance.

De quoi s'agit-il? Quelle est cette sensation étrangement inédite? Juste un moment d'intensité, le début de quelque chose? Le trouble est en moi. Le temps est mon allié. Il y a quelque chose d'évident dans mon envie d'elle, dans l'attirance qu'elle provoque en moi, dans l'affection que je ressens. Peut-être est-ce le début, peut-être est-ce déjà fini. Laisser le temps. Lui dire ce que je ressens tout en respectant ce qu'elle est au plus profond. Qu'il y a quelque chose de bien plus intense que le simple désir physique. Il n'est pas encore temps, ni souhaitable, de considérer mes états d'âme. Il me faut déjà redescendre. Comme j'ai laissé cette porte d'ascenseur se refermer... Qu'aurait-elle pensé si j'avais bloqué cette porte, m'avançant vers elle pour l'étreindre et l'embrasser? Difficile à savoir. Peu importe après tout, parce que cette putain de porte s'est fermée. Cette image ne me quitte pas. Ses yeux, son sourire. Ce moment de pur bonheur. Peut-être est-ce déjà fini. A moins que...

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